Position des Rhumatologues sur la substitution des biomédicaments

Nous, médecins spécialistes prescripteurs de biomédicaments, souhaitons exprimer nos réserves quant à l’ouverture envisagée de la substitution des biosimilaires par les pharmaciens sans conditions spécifiques, telle que présentée dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2025. Cette démarche pourrait compromettre la qualité de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques invalidantes dont le pronostic a été transformé par cette classe médicamenteuse avec maintenant  un objectif de rémission de la maladie, sans atteindre l’objectif d’économies pour le système de santé. 

 1. La relation médecin-patient au cœur de la décision thérapeutique

Le traitement des pathologies chroniques repose sur une décision médicale partagée entre le médecin et le patient. Cette relation de confiance constitue le socle du suivi clinique et de l’adhésion au traitement. La substitution sans concertation médicale menace cette dynamique et pourrait altérer la confiance et l’engagement du patient envers son traitement. L’instauration d’un traitement par biomédicament s’accompagne toujours d’échanges approfondis et d’une personnalisation qui ne saurait être interrompue sans conséquences.

 2. Nécessité de la continuité dans la dispensation des biomédicaments

L’ANSM a souligné dans un avis récent (octobre 2024) sur la substitution des molécules en ophtalmologie l’importance de garantir « une continuité de dispensation du même médicament lors des dispensations suivantes ». Ce principe de continuité est particulièrement critique dans le cadre des biomédicaments, où la stabilité est essentielle pour le suivi thérapeutique et la réponse clinique du patient, dans des pathologies difficiles à contrôler.

Les propositions de certains acteurs d’assouplir les règles de substitution, sous couvert d’optimisation des coûts (ce qui ne concerne que la substitution de la molécule de référence par un biosimilaire) et de lutte contre les pénuries, ouvrent la voie à des changements fréquents de molécules. Un tel modèle est source d’instabilité et peut engendrer des changements répétitifs de biomédicament, ce qui risque d’affecter la continuité des soins et de fragiliser l’observance thérapeutique des patients.

 3. Effets des changements de biosimilaires sur l’adhésion et l’efficacité thérapeutique

Pour ces dispositifs auto injectés par chaque patient, les changements itératifs de stylos d’injection à mécanismes différents et de noms de marques sont nettement susceptibles d’affecter l’observance et peuvent compromettre l’efficacité thérapeutique. Les économies générées pour le système de santé proviennent du passage d’un médicament biologique de référence à son biosimilaire et non d’un changement entre différents biosimilaires, pour des patients déjà en polymédication.

 4. La traçabilité, un élément crucial pour la sécurité des patients

La substitution sans condition complique également la traçabilité des biomédicaments, élément essentiel pour le suivi et la sécurité des patients. Les biomédicaments nécessitent une surveillance rigoureuse, et une multiplication des références utilisées pour un même patient altère cette traçabilité, augmentant les risques d’erreurs ou d’incidents dans le parcours thérapeutique et rendant hasardeuse l’imputabilité d’éventuels effets indésirables.

Conclusion et recommandations

En conclusion, nous réaffirmons que :
1. La décision médicale partagée entre le médecin et le patient doit demeurer au centre du choix thérapeutique pour toute introduction ou changement de biomédicament, y compris en matière de biosimilaires. C’est dans ce cadre que la pénétration des biosimilaires dans le système de santé peut progresser efficacement.

2. La substitution par le pharmacien ne devrait être permise que lorsque la prescription concerne un traitement de référence, et uniquement si le prescripteur n’a exprimé aucune réserve médicale spécifique pour le patient, avec son consentement éclairé. C’est dans ces conditions que les économies souhaitées peuvent être réalisées tout en respectant la qualité des soins et le bien-être des patients.


Marseille le 4/11/2024

DR Eric SENBEL, 
Président du CNP de rhumatologie

 

Publier le 12/11/2024 - Date de modification 12/11/2024